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pour l’exposition Contingent Legibilities à Lemme, Sion, CH
Mesurez ce qui a de la valeur pour vous, et vous donnerez de la valeur à ce que vous mesurez.
Bien que le calcul soit considéré comme l’une des formes de connaissance les plus transparentes et donc les plus reproductibles, il s’agit d’une convention construite, plutôt qu’absolue, qui repose sur l’idée fondamentale que les équivalences produites par les nombres sont des relations exclusivement internes à leur mesure. Or ces relations façonnent les catégories à travers lesquelles nous nous comprenons en tant que membres d’un groupe ou en tant qu’individus. Elles sont culturelles plutôt qu’objectives.
Lorsque nous parlons de chiffres, nous utilisons souvent le langage de la distance. Les chiffres sont abstraits, durs, dépourvus de passion, froids, parfois cruels. Les chiffres nous permettent a priori de créer de la connaissance, détachée de tout contexte politique ou émotionnel ; ils sont impersonnels… Mais malgré leur capacité à produire de la distance, certains chiffres deviennent des objets intériorisés, sources d’identification intense et obsessionnelle, pouvant définir nos propres aspirations jusqu’à incarner nos identités mêmes.
L’abstraction, parce qu’elle élimine une grande partie du local ou de la spécificité, facilite le déplacement des chiffres, leur permet d’être utilisés à de nouvelles fins, dans de nouveaux lieux. Les chiffres sont également censés être fades et ennuyeux, mais c’est là que réside une grande partie de leur pouvoir.
Refuser les mécanismes de marché objectivés par les chiffres rend la critique de plus en plus équivalente à un jeu de rôle dont les règles ont été décidées à l’avance, chacun portant quelque chose qui s’apparente à une arme, mais qui ne sera jamais suffisante pour porter le coup fatal.
La valeur de l’information est toujours déterminée par les systèmes qui l’interprètent.